15 mai 2007

La chanson de Craonne

Craonne est une commune de Picardie où ont eu lieu des combats au moment de l'offensive déclenchée par Nivelle au Chemin des Dames en avril 1917. Cette offensive se solde par de nombreux morts sans progrès notable sur le front. Elle suscite l'exaspération des soldats et déclenche des mutineries. Les paroles sont restées anonymes malgré les récompenses offertes par le commandement français . Elles ont été écrites en 1917 et recueillies par Paul Vaillant-Couturier.

Voyez ici une analyse complète de la chanson et de son histoire. Une base de données sur l'offensive du Chemin des Dames. J'ai évoqué avec vous le débat entre les historiens sur le degré de consentement des soldats durant cette guerre. L'équipe de l'Historial de Péronne défend plutôt l'idée du consentement assez général dans le cadre d'une "culture de guerre", très visible dans les afiches notamment. L'équipe du CRID1418 insiste davantage sur la contrainte imposée aux soldats. Dans cette idée, la chanson de Craonne est évidemment un élément exprimant la contrainte.

Voici les paroles et deux versions à écouter :

Quand au bout d'huit jours, le r'pos terminé,
On va r'prendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile.
Mais c'est bien fini, on en a assez,
Personn' ne veut plus marcher,
Et le coeur bien gros, comm' dans un sanglot
On dit adieu aux civ'lots.
Même sans tambour, même sans trompette,
On s'en va là haut en baissant la tête.

{Refrain:}


Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes.
C'est bien fini, c'est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C'est à Craonne, sur le plateau,
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
C'est nous les sacrifiés !

Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l'espérance
Que ce soir viendra la r'lève
Que
nous attendons sans trêve.
Soudain, dans la nuit et dans le silence,
On voit quelqu'un qui s'avance,
C'est un officier de chasseurs à pied,
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l'ombre, sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes.

{au Refrain}

C'est malheureux d'voir sur les grands boul'vards
Tous ces gros qui font leur foire ;
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous c'est pas la mêm' chose.
Au lieu de s'cacher, tous ces embusqués,
F'raient mieux d'monter aux tranchées
Pour défendr' leurs biens, car nous n'avons rien,
Nous autr's, les pauvr's purotins.
Tous les camarades sont enterrés là,
Pour défendr' les biens de ces messieurs-là.

{au Refrain}

Ceux qu'ont l'pognon, ceux-là r'viendront,
Car c'est pour eux qu'on crève.
Mais c'est fini, car les trouffions
Vont tous se mettre en grève.
Ce s'ra votre tour, messieurs les gros,
De monter sur l'plateau,
Car si vous voulez la guerre,
Payez-la de votre peau !

Deux versions à écouter, par le chanteur Gérard Pierron et par une chorale :



[Photographies réalisées autour de Verdun par Michaël Wagler que je remercie]

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